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Mon premier rendez-vous au CRA

Que dire de ce premier rendez-vous si je n'ai l'amère sensation d'avoir été convoquée pour rien si ce n'est de me causer une extrême fatigue. Mais, laissez-moi vous relater l'écoulement des heures.

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J'ai rendez vous à 9 heures 30, cela fait pratiquement quatre mois que la date a été fixée et pratiquement quatre mois que j'ai fait et refait le chemin pour trouver cette antenne du CRA, j'ai regardé maintes fois la carte Google pour ne pas me perdre, et puis j'ai imprimé l'itinéraire, j'ai réfléchi et re-re-re-réfléchi au fait que je pouvais me perdre et ne pas arriver à l'heure.  Si Google me dit 1 heure 15 de trajet, j'y ai rajouté une heure et pratiquement 30 minutes de plus parce que dans ma stratégie anticipatoire j'ai inclus de nombreux retards possibles qui pourraient bien me retarder d'un maximum de temps. 
Alors je suis partie, tôt,  très tôt, et je me suis levée très très tôt et je m'étais couchée tard, très tard, très très tard et ce matin-là j'étais déjà très fatiguée et ce, avant même de partir. 
Levée à 5 heures 50.
Aussi, un bon café au lait et une bonne douche, une bonne préparation et une belle tenue pour ne pas arriver avec l'air déconfite devant la psychologue. Je porte une tenue qui date un peu mais je m'en fiche c'est une de mes préférée, je l'ai fait moi-même le boléro au crochet dans les tons rose pale, rose fuchsia, rose thé et blanc, il y a longtemps, je l'adore et un petit collier dans les mêmes teintes que maman m'avait offert en 2008.  Et mon vieux caban de marin qui date de 1978 lorsque j'étais au lycée en  classe de seconde mais qui a l'air encore tout neuf bien que je l'ai prêté à mon petit frère, puis à mes enfants avant qu'il ne me revienne à nouveau, du solide, de la confection d'époque, nous dirons !
Je mets mon ordinateur portable dans son sac et je peux partir. 
Prête à 6 heures 50
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Arrivée près de la grande ville vers 8 heures moins le quart, je commence à paniquer intérieurement car le flot de voitures devient plus intense, je sais que je dois rester sur ma gauche pour ne pas louper la direction principale puis que je devrais aller à droite pour l'entrée du tunnel et enfin rester à gauche dans le tunnel... Mais j'ai raté un truc et me suis retrouvé dans  une artère de la grande ville vers 8 heures, je me suis perdue, je n'ai pas réussi à bien me diriger. Je ne panique pas à ce contrecoup, j'avais prévu ce cas. Je cherche une place libre, ça tombe bien, il y a des éboueurs, je me cale derrière le camion qui pue et à la première place de stationnement libre, je me glisse et je m’arrête ! C'est chose faite et vers 8 heures 15 je mets en route la navigation Google sur mon téléphone, le son à fond, téléphone calé à l'horizontale dans le sac à main ouvert, lui-même calé sur mes genoux, je vois bien la carte, les flèches d'itinéraire, la voix de Madame Google et il est marqué 10 kilomètres et aussi 18 minutes, je serai donc à l'heure !
Je ne peux pas dire que ces 18 minutes se soit écoulée de manière difficile, bien que je me sois faite klaxonnée puis interpelée au carreau de la portière par un motard qui m'a engueulée parce que j'ai zigzagué pour prendre au dernier moment la rampe qui menait sur une voie rapide, j'ai ouvert ma vitre   
"C'est dangereux ce que vous faites de couper la route comme ça, vous n'êtes pas seule !"
et je lui ai dit "Désolée ! Je me suis perdue... Mais j'ai le GPS !  Je vais à l"hôpital XXX..." 
Lui, il a filé, bien plus vite devant !
Donc, c'était  quelque peu laborieux ce petit périple en voiture, suivre les indications de Madame GPS, suivre la route, suivre l'itinéraire sur l'écran du portable, suivre les réactions des automobilistes et motocyclistes, le focus à fond sur ma propre concentration, un stress de tunnelisation durant les quelques dernières minutes avant mon arrivée à l'hôpital et je suis arrivée !
Enfin !
Enfin arrivée !
Bien arrivée !
Et arrivée ... du coup ...  une heure en avance !

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Je me gare dehors,  sur le parking extérieur  parce que je n'ose pas rentrer en voiture. Puis l'agent préposé au portail et à la barrière automatique qui vérifie les entrées  me dit que le pavillon est assez éloigné et que je peux rentrer de ce fait avec ma voiture. Me voilà repartie pour la rechercher, redémarrer et rentrer de nouveau dans l’hôpital.
Parvenue dans le pavillon, celui-ci est désert. Apparemment, seules les portes d'entrée sont ouvertes et personne à l'intérieur, j'entends des voix qui arrivent de certaines pièces de bureau. J'avoue ne pas avoir envie de demander pour le moment. Je profite de mon temps pour lire des indications scotchées sur les piliers, relatives aux papiers d'identité à fournir, et observer l'environnement, les murs peints de personnages de dessins animés, regarder les magazines qui datent et puis aller aux toilettes, me laver les mains, remarquer que la tablette sert pour faire sécher les bols et les tasses des employés, intercalés entre le liquide vaisselle au citron et le savon gel parfumé liquide à la praline gourmande de chez Isabelle  Derroisné et que ma maman avait déjà acheté de temps en temps...
Quand je me rassieds pour attendre, quelqu'un passe et me demande si j'ai un rendez-vous. Elle me dit que la consultation sera tout au bout du couloir mais qu'ils ne sont pas arrivés,  leur salle d'attente est au fond. "D'accord, je vais attendre, merci "
Encore un  bout de temps, des personnes qui passent, et qui semblent m'ignorer autant que je les ignore, puisque qu'ils ne me saluent pas, je ne les salue pas non plus, et un monsieur qui lance un "bonjour" alors en décalage parce qu'il n'y a personne d'autre que moi, je réponds "bonjour" mais lui, est déjà loin.

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Je m'aventure entre les deux portes grises, dans le petit hall de l'unité, pour lire les feuilles de papier  collées sur les portes portant mention imprimée des noms, prénoms et qualifications, psychiatre, neuropsychologue, assistante sociale, secrétaire médicale et prenant conscience de la non-permanence de leur emploi sinon l'hôpital aurait investi dans des plaques gravées même si elles avaient été en plastique non-onéreux, je sens le doute m'envahir quant à la pertinence de m'être déplacée, j'ai l'impression que  cette structure est un essai de mise en place. Je suis psychologue clinicienne, je suis qualifiée également, je suis simplement formée dans d'autres domaines que le leur et j'ai besoin de leur approbation pour me dire que je suis effectivement autiste, une autiste non sévère, une autiste qui parle, mais je présente bien la triade autistique  avec des perturbations dans les trois domaines :
Interactions sociales.
Communication verbale et non verbale.
Comportements au caractère restreint et répétitif.
Tout cela ressort dans le questionnaire de 14 pages que je leur ai envoyé il y a plus de quatre mois et c'est pour cette raison que j'ai mon  rendez-vous aujourd'hui pour aller plus loin que le questionnaire !

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Enfin, les voila ! La psychologue se présente ainsi que l'assistante sociale et me dit qu'elles vont me recevoir dans quelques minutes. Je me pose néanmoins dans ma tête la raison de la présence de l'assistante sociale, je n'ai pas besoin d'assistante sociale, je suis autonome autant financièrement que "socialement", je ne parle pas aux autres, je n'ai aucun besoin de sympathiser avec les autres, j'ai des problèmes d'interactions sociales parce que je suis maladroite socialement, parce que je suis un peu empotée dans ma manière d'interagir également, parce que je dois bien réfléchir à ce que je dois faire socialement avant de le faire (mes fameuses stratégies anticipatoires) mais je n'ai pas de problèmes sociaux, j'ai appris à m'intégrer socialement en utilisant la célèbre technique des caméléons. Et puis je pense être assez intelligente, ça aide à se cacher dans la normalité des autres, celle que je leur ai toujours montré et ce rôle qui m'épuise tant d'interpréter chaque jour.

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Presque 9 heures 40,  9 heures 38 exactement, nous rentrons. 
Maintenant, le déroulé de la consultation  va être très succinct parce que cette consultation n'apporte rien. J'ai fait toute cette route pour faire une consultation d'une demie heure qui ne m'apporte rien, qui ne leur apporte rien de plus. J'ai anticipé depuis quatre longs mois ce rendez-vous pour ça ??? 
Après m'avoir demandé de m'installer, j'ai pris le siège le plus proche de moi, j'ai signalé que j'avais apporté mon ordinateur si besoin, pour leur montrer ce que j'aime faire, mes montages vidéo avec mes tableaux de peinture, créer des animations. 

Elles ont repris des éléments du questionnaire et me questionnent  sur le questionnaire, cela fait donc deux fois que je repasse ce fameux questionnaire qui m'avait déjà pris tant de temps à remplir du fait que le fichier pdf ne comportait que deux ou trois lignes de réponses par question alors qu'il est stipulé de préciser ou de commenter. Il m'avait fallu plus de temps pour faire la mise en page des incrustations de textes et réglage de format de police de caractères pour réussir à caler mes longues réponses dans des espaces trop petits. Et là, répondre pratiquement aux mêmes questions... Je n'ai pas envie, je suis fatiguée par la route, par l'attente.

La question qui m'a laissée pantoise a été :
-- "Comprenez-vous l'expression "il pleut des cordes" ?"
J'ai rétorqué aussitôt : "J'ai un demi siècle, heureusement que je comprends cette expression aujourd'hui. Par contre quand j'étais enfant j'avais compris de manière littérale "tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler" et je le faisais ! D'ailleurs cela me vaut aujourd'hui un SADAM c'est-à-dire un syndrome algo-dysfonctionnel de l'appareil mandicateur qui cause des problèmes de douleur et de craquement de la mandibule. "

Finalement, cet entretien s'achève et le psychologue me dit que l'équipe se réunira le vendredi avec le psychiatre pour en discuter et que l'on me recontactera. Je m'empresse de rappeler que j'avais amené mon ordinateur pour montrer ce que j'aime faire mais que nous n'avons pas eu le temps de regarder.


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Je repars vers le parking et ma voiture pour retourner vers mon chez moi, assez triste, assez énervée,  assez en colère, assez stupéfaite, assez troublée, assez vexée, assez fatiguée, je n'ai pas tout dit peut-être, je n'ai pas su parler, je n'ai pas su m'exprimer,  une belle envie de pleurer, enfin bref, je ne sais pas le nom du sentiment qui est en moi car je ne sais pas nommer la sensation  précise qui est un mélange de tout ça. Mais ce que je peux dire, c'est que je la retrouve cette sensation, intacte à celle que je vivais lorsque je sortais d'interrogation écrite en classe, en contrôle de connaissances ou en examen. C'est ce même mélange d'émotions qui me dit que je n'ai pas été à la hauteur de ce que l'on attendait de moi, de ce que je pouvais faire ou dire, que je ne pourrais pas faire mieux la prochaine fois car la prochaine fois ne sera pas celle-là, ce sera autre chose, un autre moment, un autre environnement, d'autres personnes.

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